mercredi 6 juin 2012

De la solitude à la nausée #1

En février, à une époque où j'étais très peu lue, sur un autre blog dans lequel je n'osais utiliser le "je", première personne imparfaite et fragilisante, j'avais écris un article sur un fait divers, un entre-filet dans le journal, un drame ordinaire comme on en lit tant, mais voilà celui-ci m'avait touchée.


Aujourd'hui, il me faut vous le présenter à nouveau à votre attention, et résister à la tentation de le retravailler, le ciseler.


A sa lecture, mon corps se souvient des émotions qui le bousculaient, cette vague nausée qui l'habitait. 


Alors je décide de le laisser ainsi, inabouti et bancal mais dans sa vérité et de ne pas le trahir.


Il sera le premier volet d'un article en trois parties, trois volets sur un même sujet, mais dans des registres différents ...



"Dimanche, dans la Provence, un petit encart évoquait la découverte du corps d'un homme.
Le cadavre retrouvé au milieu de ceux de bouteilles d'alcool, de boîtes de médoc, une blessure mortelle en plein cœur, par arme à feu. Le suicide d'un SDF d'une cinquantaine d'années.

Sans doute avez-je légèrement soulevé un sourcil, peut-être laissé filer un soupir ; ensuite vous avez refermé le journal, l'avez posé et oublié.

Mais voilà qu'aujourd'hui vous appris que cet homme vous le connaissiez. Vous l'aviez croisé des mois durant, entre deux portes, deux cigarettes, un échange de "bonsoir" et sourires discrets de sa part, pressés de la vôtre.

Il occupait un petit emploi de gardien de nuit, métier que vous vous plaisiez à imaginer réservé aux noctambules, aux contemplatifs, aux décalés. Et vous l'abandonniez courant déjà, la tête pleine de beaux instants que votre soirée vous réservait.

Puis il a intégré une équipe et ce n'est que rarement que vous l'aperceviez un peu perdu dans les couloirs glaciaux, l'air un peu surpris, toujours à la traîne et semblant s'en excuser.

C'était un être un peu flou, incertain, de ceux que l'on oublie, qui ne savent pas demander. Un à quoi bon, qui de trop baisser les bras est pris de nausées, de mépris de lui-même. Lorsque vous n'êtes pas aimé, lorsque votre visage ne se reflète plus dans aucun regard, lorsque votre téléphone cesse de sonner, lorsque plus personne ne vous espère, ne vous attend, ne s'inquiète pour vous, lorsque vous êtes devenu un simple passant, vous en venez à espérer que la terre vienne à s'ouvrir sous vos pieds, qu'elle vous engloutisse, effaçant toute trace, tout souvenir de votre existence.

Il s'appelait Claude
Je l'ignorais



8 commentaires:

  1. Un très bel écrit qui ancre le fait divers dans la réalité de la vie. Très bel hommage. Claude existe à présent grâce à tes mots.

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  2. Dur dur ... Mais pas autant que ce sentiment d'ignorer, d'oublier, de passer à côté...(L'écriture est belle telle qu'elle est)

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  3. hélas.............QUAND LE BONHEUR N'EST PAS AU RDz vs

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  4. Terrible...et avoir la sensation d'être comme passé à côté...je comprends que cela t'es profondément touchée. On l'aurait été à moins. Des pensées.

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  5. S'excuser d'etre la, d'etre en vie, de respirer. Ne plus trouver sa place, ne rien avoir a dire, avoir peur sans cesse de choquer, de deplaire. Ne pas s'assumer...cela parait invraisemblable dans un monde ou les moyens de communication sont si omnipresents et pourtant je crois que nous n'avons jamais ete aussi seuls. Qu'il repose en paix. chimeres et tourbillons

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  6. Tellement triste et tellement terrible!! Ton billet, tes pensées sont vraiment touchantes♥♥
    Bises

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  7. c'est si triste... tu as très bien écrit ce texte, c'est plein d'émotions, de sensibilité...<3

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