Voici le deuxième épisode
Il y a un mois déjà, elle disparaissait.
La rumeur s'était répandue dans les couloirs, un nouveau suicide venait d'avoir lieu parmi le personnel.
La rumeur s'était répandue dans les couloirs, un nouveau suicide venait d'avoir lieu parmi le personnel.
Peu à peu l'information se fit plus précise. Elle s'appelait Pascale ( ou c'est ainsi que nous la nommerons afin de préserver son anonymat), s'était défenestrée, était morte.
Des personnes pleuraient, se prenaient dans les bras, racontaient leurs souvenirs, leurs dernières fois, leurs regrets, leurs remords, leurs j'aurais dû, leurs si j'avais su.
Parce que c'était une discrète, une insignifiante petite souris, je la connaissais à peine, si mal, si peu, qu'il a fallu me faire préciser qui elle était, afin de ne pas me tromper.
Parce que je l'avais devinée célibataire solitaire par obligation. Sa vie sociale se limitait à celle qu'elle grapillait , avec force gentillesse, que je n'oserais plus qualifier (honte à moi) de mièvrerie.
Parce qu'elle m'agaçait cette vague silhouette voûtée, recouverte de multiples couches de vêtements mal coupés, toujours s'excusant, toujours souriant, en quête d'un regard, d'une attention, de notre amitié, nous, moi, toujours pressée(s). Parce que nous n'avions pas que ça à faire, nous avons du travail nous, et une vie et des amis des amours. Et pas le temps, pas de temps, allez, lève-toi de là, passe ton chemin.
Maintenant il est trop tard.
Et d'osciller entre vague culpabilité et fatalisme. Et d'écouter les échanges au sujet du suicide, du choix, de la lâcheté. Et de fuir ces discours à l'emporte-pièce de ceux qui ne connaissent pas la douleur, la vraie, la crasse, celle qui vous colle à la peau jusqu'à la nausée, celle qui est indiscible, celle dont tous ce foutent, celle qui vous englue et vous ronge de l'intérieur, vivante, trop vivante, sans espoir de secours, sans porte de sortie.
Parce que le suicide, tabou suprême, insulte au destin et aux dieux, suscite fascination et répulsion. Parce que l'on admire les courageux qui vont jusqu'au bout ultime de leurs choix, parce que l'on méprise les lâches qui abandonnent, et se laissent glisser dans l'oubli de la tombe. Parce que l'on plaint ceux qui n'ont pu y résister, et que l'on hait ceux que l'on finit d'accuser de meurtre par procuration, celle dont hérite les aimants qui n'ont su se faire entendre.
Parce qu'il est insupportable d'apprendre combien une personne peut être seule, jusqu'à ne connaître d'autre corps que le sien, et encore si peu, si mal ; combien elle se vit abandonnée qu'elle en est mélancolique, tellement mal-aimée qu'elle en est désespérée
Parce qu'il nous renvoie à nos égarements, à notre part d'ombre, à nos tentations de renoncement, de filer en douce, à ce que l'on dissimule au quotidien à grands coups de "je vais bien, merci
Parce qu'il nous renvoie à nos égarements, à notre part d'ombre, à nos tentations de renoncement, de filer en douce, à ce que l'on dissimule au quotidien à grands coups de "je vais bien, merci
Parce qu'il est déjà trop tard
À suivre ...
Très bel écrit. Courageux. Belle réflexion sur un sujet tabou qui fait partie de la vie.
RépondreSupprimerJe ne te cache pas que ta trilogie me fait revenir en arrière de 4 ans, quand un soir lors d'un tête à tête amoureux, j'ai reçu ce texto lapidaire : Damien est en réanimation - tentative de suicide - mort cérébrale...plus d'espoir
RépondreSupprimerCe n'était pas un inconnu, ce n'était une personne dont je ne connaissais pas le nom, c'était mon ami, je lui avais parlé au téléphone la veille "normalement".
Il était 18h, il était dans son bureau au travail...Lâche ou courageux je ne sais pas...Mais le silence est insupportable encore aujourd'hui...
les parts d'ombre de notre vie qui font réfléchir a son inéluctabilité!!
RépondreSupprimeroui c'est un bel article qui parle ce phénomène de société qui s'amplifie !!!
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