Un jour,
vous constatez
que les hommes
ne sifflent plus
sur votre passage

Cet usage
que vous jugiez fort impoli
agaçant
déplacé
et j'en passe
en vient à vous manquer
ou presque

Seuls les hommes intelligents
ceux qui s'attardent
et aiment
à se pencher sur les belles âmes
s'intéressent à vous

C'est certes flatteur
mais tellement rare
...

Oui,
mais ça c'était avant

Avant que je n'achète
mes chaussures à talons
hauts

Maintenant
j'arpente mes rues
fière
cul bombé
démarche volontaire
chaloupée
et déterminée

Tout mon corps occupe l'espace
impose le respect
se fait de la place

Les hommes s'écartent
se retournent
le regard admiratif

Merci
merci beaucoup

mais
si vous saviez combien je souffre !

Bien sûr,
si vous regardiez attentivement
vous verriez tous les petits sparadraps qui ornent mes orteils
se décollent
et qu'il me faut remplacer

Mais ceci n'est que l'emmergé de ma douleur
car si vous pouviez lire dans mes pensées
oh mon Dieu
le bordel !
Et de prendre garde aux dénivelés
au trous
et autres trompes couillons

maîtriser le lancé de pied
le fameux talon/pointe
le reste du corps en contre balance
pas droit à l'erreur
la cheville en péril
la chute mortelle
tout au moins je l'imagine

et de compter
et de prier
et de transpirer

Ne vous y trompez pas
je ne suis pas lointaine
évanescente
snob
mais
tout bêtement
concentrée
crispée
terrorisée
sous contrôle

Et demain
demain me direz-vous

Demain
je cours
en Birke

Oubliée
élégance
abandonnée toute velléité
d'évanescence

De nouveau terrienne
bien ancrée
pieds répandus
dans des chaussures sachant chausser
pour femme sachant marcher
souffrante
en voie de guérison
arpions en lampions
articulations en coton

Habitée
par l'obsession d'idéal
l'idée obsédante
que j'y arriverai un jour

Alors les hommes
d'ici là
retenez votre souffle
I will be back